« C’est mon kiosque, ma bataille ! » Tel pourrait être le cri de guerre des fervents défenseurs et amoureux de ce format économique et proposant d’excellentes histoires. Aujourd’hui encore, la sortie de Marvel Saga HS n°6, Panini Comics nous permet de découvrir une excellente mini-série avec tout plein d’Avengers dedans et servi par un duo d’artistes dont l’association fait des étincelles.
Le méchant aux motivations les plus simples de l’univers Marvel (« moi vouloir tuer humains« ) a finalement réussi son pari. Dans un futur éloigné, Ultron a vaincu les super-héros et assujetti les humains. Il ne reste qu’une poignée d’individus libres face aux millions de robots et bioesclaves. Le seul espoir de l’humanité réside dans Fatalis lui-même. Conscient qu’il ne pourra vaincre seul, le seigneur de la Latvérie va utiliser sa machine à voyager dans le temps pour former une équipe de Vengeurs venus de différentes époques. Si la Vision et la Veuve Noire proviennent du présent de l’univers Marvel, la déesse Thor est extirpée d’un futur proche tandis que le bouclier de Captain America est brandi par Danielle Cage, la fille de Jessica Jones et Luke Cage. Enfin, trois poids lourds venus du passé vont compléter l’équipe : Hulk, Thor et Iron Man. Loin d’être choisis au hasard, ces différents héros vont s’allier à Fatalis pour foutre la misère à Ultron.
Mini-série de trois épisodes, Ultron Forever voit une association qu’on n’aurait, de prime abord, pas imaginé. À ma droite, Alan Davis, le scénariste et dessinateur anglais talentueux ayant enchanté les lecteurs avec ses épisodes de Captain Britain, Detective Comics, Fantastic Four, Clan Destine, mais surtout, ce qui reste encore aujourd’hui comme l’une des meilleurs séries dérivées des X-men, le superbe Excalibur. À ma gauche, le jeune Al Ewing, qui comme tout scénariste anglais a affûté sa plume dans 2000 AD avant de prendre la suite de Garth Ennis sur Jennifer Blood. Arrivé chez Marvel, il se fera remarquer sur l’excellent Loki: Agent of Asgard (dont on aimerait bien avoir la suite, Panini), mais surtout sur le sous-estimé Mighty Avengers dans lequel il donne une personnalité unique malgré les contraintes liées à l’ingérence des différentes sagas de l’éditeur (Infinity, Original Sin, Axis, Secret Wars). Groupe fondé par Luke Cage, les Mighty Avengers vont être l’occasion pour Ewing de s’amuser avec des personnages peu employés et d’en tirer des aventures hautes en couleur et débordantes d’idées. Une approche qu’on retrouve dans Ultron Forever.
Même s’il s’était déjà frotté au personnage d’Ultron à l’occasion de deux épisodes d’Avengers Assemble liés à la saga Age of Ultron (écrivant au passage l’une des rares bonnes histoires de la médiocre histoire de Brian Bendis), Al Ewing aborde Ultron Forever sous un tout autre angle. Si la menace est impressionnante, il se dégage de l’ensemble une atmosphère moins anxiogène et plus héroïque que jamais. On est clairement dans un récit super-héroïque classique dans lequel les héros battront les méchants. Cet état de fait n’empêche toutefois pas la mise en place d’un suspens redoutable et d’une montée en puissance épique totalement enthousiasmant.
Car si la trame d’Ultron Forever est, somme toute, classique (son titre est d’ailleurs une référence à Avengers Forever de Kurt Busiek qui mettait déjà en scène une équipe de Vengeurs venus de différentes époques), son intérêt se trouve avant tout dans son casting s’affranchissant de son modèle cinématographique par l’ingéniosité de son utilisation. Loin de n’être qu’un simple plaisir pour fan, le choix des personnages tient également compte de la nécessité scénaristique d’obtenir les combinaisons idéales pour une meilleure dramaturgie et un suspens haletant. Ainsi, Iron Man arrive du début des années 80 dans l’armure qui reste, encore aujourd’hui, la plus belle et la plus emblématique du personnage. On notera également que le choix de prendre Iron Man à l’époque où Jim Rhodes était sous l’armure, trouve une justification ingénieuse au sein de l’histoire tout en permettant une diversité dans le groupe. Cette variété, on la retrouve avec Thor version déesse, dont la présence quasi obligatoire (popularité du personnage oblige) est cependant compensée par le fait qu’elle vienne d’un futur proche (et donc au courant de certains événements à venir) et qu’elle fasse surtout équipe avec le Thor imaginé par Walter Simonson.
Cycle légendaire du personnage aussi grandiose que le Daredevil de Frank Miller, ce dieu du Tonnerre se définit par une grande sagesse acquise dans la souffrance suite à la malédiction de la déesse de la mort. Si, dans un premier temps, les présences d’Hulk, Captain America, Vision et la Veuve Noire semblent moindre par rapport aux deux Thor (qui volent tout de même la vedette), le récit prouvera le contraire. Car l’astuce temporelle dépasse très vite le stade du simple gadget scénaristique pour être exploitée à son maximum par des auteurs qui connaissent leur sujet sur le bout des doigts et n’hésitent pas à jouer de la spécificité de chacune de ces versions héroïques pour créer des rebondissements palpitants dans leur démesure et excitant par leur logique sans faille.
Ultron Forever, c’est la preuve que c’est dans les vieux plats que l’on fait les meilleures soupes. Davis et Ewing s’amusent avec le passé tout en offrant des choses inédites. Ainsi le lien Asgard/Ultron permet de créer une menace terrifiante pour les héros et d’une beauté renversante pour les yeux des lecteurs. On sait Davis nostalgique d’une certaine époque, on découvre qu’Ewing l’est également. Il n’est donc guère étonnant que leur récit mette en valeur un certain héroïsme qui ne connaît pas l’hésitation et qui est parfaitement personnifié par une Captain America renversante. Au fur et à mesure que l’on tourne les pages, la complémentarité du duo se pose comme une évidence. Même si Alan Davis accuse quelques faiblesses sur la finition de certaines cases, son dessin et la composition de ses planches restent à mille coudées au-dessus de beaucoup de petits nouveaux. Le dessinateur de Fantastic Four – The End se fait plaisir à mettre en scène des dizaines de personnages sur des doubles pages faisant alors souffler un vent épique lors d’un final sonnant comme un Ragnarök tonitruant.
Publié sur trois numéros en juin 2015 aux USA alors en plein Secret Wars, Ultron Forever fut un peu mis de côté face à la saga qui vit la destruction de l’univers Marvel. On espère que ce ne sera pas le cas chez nous. Passionnant, beau et enthousiasmant, voilà une saga qui rappelle pourquoi Alan Davis est l’un des plus grands et qui confirme Al Ewing comme un talent à suivre. On retrouvera d’ailleurs les deux compères à l’occasion de Secret Wars dans un double épisode Captain America & the Migthy Defenders et on espère qu’ils ont d’autres projets ensemble sur le feu.
Marvel Saga Hors-Série N°12 – Ultron Forever (Kiosque, Panini Comics, Marvel Comics) comprend les épisodes US de Avengers : Ultron Forever #1, New Avengers : Ultron Forever #1 et Uncanny Avengers : Ultron Forever #1.
Écrit par Al Ewing
Dessiné par Alan Davis
Prix : 5,50 €